Thomas Huriez

On ne présente plus 1083, la marque de mode éthique fondée par Thomas Huriez il y a une petite dizaine d’années. Avec au départ la volonté de repenser la production de l’iconique et indispensable jeans, 1083 est devenue une marque complète et incontournable. Plus encore, Thomas Huriez, accompagné d’autres acteurs comme Spl!ce ou encore le slip Français, contribue à renforcer le made in France, à innover dans l’économie circulaire et à relocaliser toute une filière. Rencontre avec un entrepreneur engagé et passionné.

21/03/22

Temps de lecture : 7min

Thomas quel est votre parcours et comment 1083 est né ?

J’ai débuté dans l’informatique, mais très vite j’ai cherché davantage de sens. J’ai grandi à Grenoble mais j’ai toujours eu le souhait de vivre dans la maison familiale de mes grands-parents à Romans-sur-Isère. Je me suis donc installé là-bas en 2007 et j’ai ouvert un magasin de vêtements éthiques juste en face d’un grand magasin d’usine. Au début, j’avais une vision du secteur de la mode assez superficielle. Mais j’ai rapidement pris conscience que le commerce, c’était avant tout des échanges et que la mode était essentielle à la construction de notre identité. Le besoin archaïque de la mode ne répond pas à un besoin physiologique, mais à un besoin identitaire. La mode est un média qui permet de dire qui l’on est et un moyen d’échange entre les êtres humains qui a encore plus de sens lorsque cette mode est engagée et éthique. A l’époque, la mode éthique que je vendais dans ma boutique était avant tout ethnique, baba cool. Ce style renforçait le mépris de la société envers les écolos par le biais d’un vêtement jugé peu esthétique. De plus en plus de fabricants ont fermé car ce type de produits ne se vendait plus, je me suis donc dit qu’il fallait repenser la mode éthique, avec comme ambition de faire des vêtements avec des fabricants locaux, non stigmatisants et que les gens aimeraient porter. C’est pourquoi j’ai choisi d’explorer le jeans. C’est un produit fort car universel, porté par tous les âges, sexes, origines sociales, religieuses, culturelles, dans tous les pays du monde et à la fois très polluant. Je me suis concentré sur la notion de proximité et de production locale, car pour moi c’est le facteur le plus puissant qui amène à la responsabilité. J’ai donc lancé en 2013 la campagne de financement participatif 1083 sur Ulule avec l’espoir d’en vendre 100, au final nous en avons vendu 1000. J’ai lancé la marque seul avec mon frère, maintenant nous sommes 100 collaborateurs dont 60 ouvriers. Nous accueillons nos clients dans nos usines afin de faire découvrir la fabrication du jeans, ce qui est également fabuleux pour nos équipes qui se rendent compte ainsi de l’importance de leur travail. Nous recréons la proximité avec l’émotion.

« 1083 cherche à déconstruire la notion de concurrence. »

Vous avez étendu votre offre, dites-nous en plus ?

Nous avons commencé par le jeans et les baskets, car nous sommes basés à Romans-sur-Isère qui est la capitale de la chaussure. Nous avons donc étendu notre offre avec comme objectif premier de recréer une filière avec des emplois et une économie locale durable. Aujourd’hui les marques font de tout, jeans, pulls, chaussures, accessoires… Cependant, chaque marque à sa spécialité. Si toutes les marques françaises se mettent à offrir une gamme complète, elles vont se voler des parts de marchés alors qu’elles poursuivent un but commun : redorer le made in France. L’idée est donc à notre sens de s’aider mutuellement via la cocréation. Ce procédé est bénéfique aux deux marques, car elles mutualisent leur savoir-faire en faisant tourner les outils de production, mais également en unifiant leur communauté. Pour nous une collaboration (« collab ») n’existe que si elle fait sens au niveau industriel. Nous avons fait un short de bain infini (recyclé, recyclable et consigné) avec le Slip Français, des pulls en laine avec Saint James, des sweats avec la Gentle Factory. Cette méthode nous l’avons appelée la Perma-Industrie, en référence à la permaculture et aux plantes qui poussent en s’entraidant. Nos usines sont organisées les unes avec les autres, grâce à cela le made in France prend tout son sens et les filières grandissent. 1083 cherche à déconstruire la notion de concurrence.

Quels sont vos gros enjeux ?

Chez 1083 l’économie circulaire est notre principal sujet de recherche. Nous avons créé la gamme “Infini” avec un jeans 100% en polyester recyclé, ce produit est monomatière, et donc plus facile à recycler. Il est également consigné. Avec ce système nous assurons toute la durée de vie du produit de sa fabrication à son recyclage, c’est une véritable innovation. Notre deuxième produit facilitateur de l’économie circulaire est le jeans “Mon coton” qui consiste à produire du coton à partir de nos vieux jeans. Nous avons développé une technologie qui vient effilocher le jeans, pour récupérer le coton et reproduire des jeans.

Nous avons présenté le premier jeans “Mon coton” sur le salon du made in France en novembre 2021 et nous lançons donc la première production en usine en février 2022. Depuis 2015 notre mission est d’amener chacun à produire et consommer dans l’économie circulaire. Nous souhaitons aussi révolutionner la filière du jeans en Perma-Industrie dont l ‘économie circulaire est une des composantes.

Quel est votre regard par rapport au greenwashing de l'industrie de la mode ?

Le greenwashing est terrible, mais la communication est le premier virage que ces marques peuvent prendre. Je pense que plus ils “greenwashent” plus ils enclenchent la machine de la transition écologique, car ils n’auront pas d’autre choix que de mettre en application les propos qu’ils tiennent. De plus, le greenwashing permet de crédibiliser les vraies marques acteurs de la transition. Aujourd’hui, de plus en plus de marques tiennent le même discours que nous, il est donc inévitable que ce que nous prônons depuis le début devienne une norme. N’est-ce pas le but finalement ?